Une enquête d’APTN a révélé qu’en moyenne environ 30% des signalements à la naissance en Abitibi-Témiscamingue concernent des nouveau-nés autochtones.
Les peuples autochtones représentent environ quatre pour cent de la région.
Les communautés Anishnabeg de la région de l’Abitibi-Témiscamingue disent qu’elles ont un effet néfaste.
« Il y en a qui ont très peur, même aujourd’hui où on se parle, d’aller à l’hôpital pis donner naissance à l’hôpital » dit Lucien Wabanonik, conseiller du Lac-Simon et instigateur de Mino Obigiwasin, qui dessert quatre communautés Anishnabeg dans le domaine de la protection de la jeunesse.
Wabanonik en a long à dire sur les signalements à la naissance, la pratique de cibler les mères et d’enlever leurs enfants avant même d’être sorties de l’hôpital où elles avaient donné naissance.
« Je crois qu’il a beaucoup, beaucoup de signalements à la naissance. Ce qui est extrêmement malheureux, déplorable, je dirais même inacceptable parce que ce n’est pas sûr que ces femmes qui donnent naissance ont des situations difficiles sociales. Oui, je crois qu’il y a un profilage racial dans ces différents hôpitaux de l’Abitibi-Témiscamingue, » ajoute Wabanonik.
Grâce à une demande à l’accès à l’information, APTN a obtenu les statistiques de signalements à la naissance pour les centres intégrés et de services sociaux (CISSS) de l’Abitibi-Témiscamingue.
En 2020, il y a eu un total de 54 signalements à la naissance, dont 17 concernaient des bébés autochtones.
2019 avait des chiffres similaires, 18 des 54 signalements à la naissance concernant des nouveau-nés autochtones âgés de moins de trois jours.
Une autre demande d’accès à l’information montre que 80 alertes de protection de la jeunesse, soit 40%, provenaient de l’hôpital de Val d’Or.
On ne sait pas combien de ces alertes concernaient des signalements à la naissance pour les familles autochtones. Sur ces rapports, près de la moitié concernaient un «risque grave de négligence»
L’hôpital de Val d’Or a fait l’objet de plusieurs témoignages de la Commission Viens en lien avec la discrimination.
Dans les appels à la justice de l’Enquête Nationale des Femmes et des Filles Autochtones Disparues et Assassinées (ENFFADA), les signalements à la naissance ont fait l’objet d’une demande de cessation partout au pays.
L’ENFFADA a déclaré que la pratique des signalements à la naissance est « raciste et discriminatoire ».
APTN a fait une demande d’entrevue avec le ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec, Lionel Carmant. Le ministre n’était pas disponible, mais a répondu par courriel.
Carmant défend le système d’alerte à la naissance en citant une étude auprès d’adolescents qui veulent maintenir ce service.
« La décision d’utiliser un avis alerte bébé à naître [signalements à la naissance] est une décision clinique basée sur les facteurs de risque et non sur l’identité culturelle des familles. » Dis Carmant.
Le ministre ajoute que « …la pratique ne mène pas nécessairement à un retrait de l’enfant à la naissance, mais plutôt à un signalement qui sera traité et évalué en fonction de la LPJ [Loi sur la protection de la jeunesse], ce qui, le cas échéant, mène au soutien approprié pour les familles. »
Mais pour Lucien Wabanonik, les signalements à la naissance ont un coût caché pour sa communauté.
« Moi je sais bien pour avoir eu connaissance et avoir vu certaines choses dans la communauté ici au Lac-Simon. Il y a des jeunes femmes qui se sont enlevé la vie. »
Wabanonik croit qu’il y a de meilleures façons d’aider les nouvelles mères dont les enfants peuvent être à risque.
« Dépendamment des régions et des besoins des communautés. Ces éléments-là doivent être rapidement mis en place pour répondre aux besoins des femmes qui donnent naissance dans les hôpitaux. On ne peut pas attendre continuellement là, c’est important. »
Le ministre Carmant dit qu’il reconnait qu’il y a des manquements et il attendre le rapport final de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, qui est attendu pour le 30 avril.
Carmant ajoute qu’il observera les recommandations de la partie autochtone.
Note de la rédaction: Les informations contenues dans le reportage concernant le nombre d’alertes à la naissance émises en Abitibi-Témiscamingue au Québec ont été corrigées. L’agent d’accès à l’information de l’Abitibi-Témiscamingue chargé du dossier a envoyé des données incorrectes à APTN – et cette information a été utilisée dans l’histoire précédente. Cette erreur a été corrigée.